Le Château-Fort
Il est le siège de « Haute-Cour », par les privilèges du seigneur détenant les pouvoirs civil et judiciaire de haute et basse justice.
Installé sur une terrasse aménagée à la pointe Nord de Montquintin, son aspect a constamment évolué depuis le Moyen-Age. Au départ probablement, une tour de guet rectangulaire devait avoir l’allure de ces tours sarrasines qui se rencontrent fréquemment en Europe occidentale aux alentours du 12ème siècle. Depuis sa création, le niveau du terrain alentour a été rehaussé et ses murs, qui existent encore en sous-sol, ont été sondés sur une profondeur de 6 m. Ils s’appuient sur deux niveaux de fondations successifs, ce qui semble déjà démontrer une reconstruction sur des bases antérieures. Cela reste à vérifier, mais dans ce cas, l’on ne pourrait s’empêcher de les mettre en relation avec la villa romaine d’Argenfontaine, lieu-dit situé en contrebas, vers Dampicourt, et dont les traces ont été révélées par l’ancien instituteur M. Autphenne.
Sans doute vers le 13ème siècle, cette tour primitive s’intégra au sein d’une fortification trapézoïdale plus vaste, dotée de tours circulaires à chacun de ses autres angles. C’est en effet en 1254 que l’on trouve mention du premier seigneur de Montquintin, en la personne de Raoul, fils de Thierry de La Tour, possesseur des lieux. Deux archères au sommet de la tour Ouest appartiennent à cette période. A cette époque, le logis-maître, qui devait occuper la moitié du corps de logis actuel, devait avoir l’aspect d’une bâtisse élevée, à laquelle se raccordait le chemin de ronde qui reliait les tours.
L’acte de vente du 18ème siècle mentionne « tours, tourelles et pont-leviers cernés de fossés cy-devant (= autrefois) à eaux vives peuplés de poissons ». Des traces en sont encore visibles sous forme de dépressions du terrain aux abord des courtines.
Malgré sa position stratégique enviable, le château reste toutefois une fortification faible, implantée sur un axe traditionnel de luttes et d’invasions, entre la France et l’Empire germanique. Les prises et pillages se succèdent : en 1480 (Charles d’Amboise), 1542 (Duc d’Orléans), 1647 (Turenne), 1657 (Armées de Louis XIV). Les 15ème et 16ème siècle, avec l’évolution des techniques de siège, imposent de nouvelles mesures de protection. Le flanc Nord du site sera escarpé, afin d’implanter une haute muraille flanquée de fortins semi-circulaires qui offrent à leur sommet des terrasses à canon. Ils abritent en leur sein des casemates dotées d’arquebusières, sur le modèle de Philippe-Auguste. L’ensemble, protégé en outre sur son côté Est par un large fossé sec, dominera dès lors un « glacis », vaste zone dégagée où l’ennemi marche à découvert.
Mais mal défendue par une petite garnison de villageois souvent livrés à eux-mêmes – le seigneur de Montquintin n’est bien souvent qu’un propriétaire foncier résidant ailleurs – la forteresse est maintes fois détruite puis reconstruite à l’aide de matériaux de récupération rendus friables par les multiples usages, et dont seule la masse assure encore la cohésion.
Destruction ou abandon ? Au 18ème siècle, le château est en ruines lorsqu’en 1760, Mgr de Hontheim, évêque suffragant de Trèves, en fait l’acquisition auprès du Comte Jean-Baptiste de Baillet-Latour, un Autrichien seigneur du proche village de Latour.
Mais les temps ont changé, les canons se sont tus dans la perspective d’une paix plus durable. Tout près, sur les projets de l’architecte DEWEZ, l’antique abbaye d’Orval brille d’un luxe baroque inouï. De nombreuses forteresses se muent en châteaux de plaisance et Montquintin s’offre un nouveau visage par les travaux d’importance entrepris par Jean-Nicolas de Hontheim. Les ruines sont déblayées, les sols rehaussés et nivelés et les traces d’une fonction militaire supprimées. Le corps de logis est agrandi, deux tours ruinées – Nord et Sud – sont rasées, et au Nord-Est, sur le grand fossé comblé est installée une rampe d’accès vers un potager planté « à la française » à la place du glacis. Une cave voûtée y abrite un lavoir-fontaine. Au « Neuf Jardin », côté Ouest, fleurit une roseraie, et les fenêtres de façades sont vastes pour admirer l’impressionnant paysage. Il s’agira bien d’une retraite, au propre comme au figuré, car le courageux Fébronius (pseudonyme littéraire de Hontheim), subit les foudres du pape Clément V pour ses écrits sulfureux sur les pouvoirs et le luxe excessif de la curie romaine. Un aperçu fiable de l’apparence du château nous sera fourni par la carte des Pays-Bas autrichiens dressée par le Comte de Ferraris (1775).
Las ! Répit momentané que ce Siècle des Lumières, qui se clôt dans les troubles de la Révolution française. En 1790, âgé de 89 ans, Mgr de Hontheim s’effondre dans le chœur de la petite église dont il est le modeste desservant et meurt dans son château. Voyant son cortège funéraire transporter son corps de Montquintin jusqu’à Trèves, l’on dit « qu’avec lui, l’on enterrait l’Ancien Régime ».
Le village est pillé en 1793 puis le château brûle en 1794.
Il renaît de ses cendres en 1803 par les soins de Jean-Jacques de Hontheim, neveu de l’évêque. Sans doute alors supprime-t-on la courtine Est, pour éclairer la cour intérieure. L’aile Sud sera réduite, les fenêtres encore agrandies. La façade à cour est imposante, avec ses vaste baies, ses pilastres et son fronton néo-classique.
Mais l’incendie accidentel de 1869 sonne le glas du corps de logis. Depuis son veuvage, la jeune Marie Everaerts y vit seule avec ses deux filles. Echappant aux flammes de justesse, elle vendra les lieux sans les restaurer.
Durant près de 100 ans, le château passe alors de mains en mains (voir Propriétaires de Montquintin).
En 1900, l’aile Nord des communs sera convertie en maison, puis épicerie-café, avant de brûler encore en 1935 et en 1958.
L’aile Sud avec ses 2 fours à pains s’écroule progressivement jusqu’en 1995.